6.29.2007

Obscénité murale (où l'auteur, décidément désoeuvré, s'en prend aux messagers anonymes)

Inscription trouvée sur le pilier d'un bâtiment cannois, et pas n'importe quel bâtiment, mes frères et soeurs, rien moins que celui du Trésor Public!


Hasardons-nous maintenant à un petit commentaire de texte : dans notre infinie clémence, nous passerons sur l'interprétation très personnelle faite ici du message johannique (voici en effet ce que dit le 24ème verset du 5ème chapitre de l'Evangile de Jean : "En vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie.") ainsi que sur le pauvre calembour que l'auteur mit fièrement en avant (j'ai fait pire dans le même registre) et attardons-nous plutôt sur un détail plus intriguant, à savoir les deux dernies mots du texte : "The Cow". Est-ce une signature? Les vaches prêchent-elles maintenant la Bonne Nouvelle? M'est avis que notre taggeur chrétien a voulu par là faire une allusion à la nature tétramorphique des évangélistes, au risque malheureusement de s'emmêler les pinceaux (ou le feutre, plus précisément) entre les différents apôtres avant de trébucher à nouveau en se servant de la langue anglaise.

Puisque ce n'est pas Saint Jean qui est représenté près de son évangile sous la forme d'un ruminant, mais bel et bien Saint Luc. Première boulette. Qui pis est, le bovidé en question n'est - Dieu merci - pas une vache (en anglais : a cow) mais un taureau, a bull. La différence est de taille. Nous conseillerons donc gentiment à notre graphomane apprenti théologien, afin d'éviter de reproduire d'aussi sottes négligences dans ses futures diatribes, de prendre dès maintenant un abonnement aux cours du soir d'anglais renforcé ainsi qu'à l'église la plus proche (Notre-Dame de Bon Voyage, en l'occurence).

En dehors de toutes ces pointilleuses considérations, l'initiative en elle-même, je dois le reconnaître, est très savoureuse. Ne prends donc pas la mouche sur ma critique, toi l'artiste que je devine taquin, mais sers t'en pour avancer sur ta douloureuse voie avec tous mes encouragements! Ton bon goût est déjà visible : Jean, The Eagle, comme tu eusses du si bien dire, n'est-il pas le plus grand des évangélistes? Sans doute, si!

Jeannot, dit aussi "le puceau de la bande", n'était pas non plus le dernier sur le lever de coude, comme le démontra avec brio le Gréco.

And the wind cries Mary (où l'auteur facétieux fait écho à la musique des sphères)

Ce blog est, à de rares exceptions près, un endroit habituellement silencieux, et il le fut cette semaine plus que jamais. Nul doute que dans cette austérité sonique résonneront mieux encore les accords monstrueux et mutants du dieu des gauchers, du roi des marionnettistes, de ce grand bricoleur de petites ficelles, de cet inégalable pourfende(u)r de Stratocaster : Mr. Hendrix. Quand on est d'humeur maussade, voilà le genre de cordes auquel il fait bon se pendre! Tout esprit accompli ayant deux faces (au bas mot), voilà deux morceaux complémentaires du maestro.

Jimi côté Yang :



Jimi côté Yin :

6.26.2007

A Night at the Museum (où l'auteur, en panne sèche, cède la place aux vrais artistes)

Oui, lecteur, tu as bien lu, je suis las. Ces jours-ci, ce n'est pas vraiment l'envie d'écrire qui m'étouffe, comme tu auras pu, avec ta sagacité naturelle, le constater par toi-même. DONC, j'ai eu une idée in-cro-ya-ble. Un truc de ouf. Que jamais, au grand jamais (ah ça non!), aucun blogueur n'avait eu avant moi : cacher la misère actuelle (et temporaire, espèrons-le) de mes réflexions en postant des images que tout le monde connaît déjà! C'est pas beautiful, ça, l'ami? Tu vas voir que tout le monde va s'emparer de ce trait de génie et faire pareil sur son petit espace perso! Aucun scrupule, les mecs! Non mais j'te jure... C'est à te dégoûter du genre humain!

Bref, restons sereins et modestes. Voici donc, sans plus attendre, ma galerie du jour, pas dégueulasse, puisqu'il s'agit d'un petit florilège de tableaux de deux des plus grands maîtres du mouvement préraphaélite britannique, j'ai nommé John William Waterhouse et Edward Burne-Jones. Si tu ne sais rien de ce mouvement, honorable visiteur des Cahiers, je te renvoie directement à l'article idoine de Wikipédia, ça ira plus vite. Personnellement, le préraphaélisme, je kiffe ma race. D'abord, c'est un mouvement de réacs, donc il ne saurait être tout à fait mauvais. Qui plus est, ces peintres ont une obsession commune assez évidente (sauf pour les daltoniens, mais enfin, entre nous, les handicapés ce n'est pas vraiment mon problème) : une fixette incurable sur les rousses. Voilà qui ne peut manquer, encore une fois, de me les rendre sympathiques! Enfin, ils traitent leurs sujets, souvent mythologiques, littéraires ou bibliques, avec un art consommé du symbolisme. Ce qui fait déjà beaucoup de bonnes raisons d'ouvrir bien grand ses mirettes. D'aucuns diront que c'est un art de chochottes dégénérées ou d'esthètes fin-de-race, mais il ne faut pas écouter les esprits chagrins. Suivez le guide!

Pour commencer, un petit panorama des oeuvres de Edward Coley Burne-Jones.


The Tree of Forgiveness


The Baleful Head


The Beguiling of Merlin


The Rock of Doom


Doom Fulfilled


Wheel of Fortune


Et enfin, une sélection de toiles toutes plus envoûtantes les unes que les autres du très grand John William Waterhouse.


Psyche opening the Golden Box


The Magic Circle


La Belle Dame Sans Merci


Echo and Narcissus


A Mermaid


Danaïdes


Pandora


Nymphs finding the Head of Orpheus

6.22.2007

Pour la survie du Verbe (où l'auteur, une fois de plus, vous guide vers la sagesse)

Aujourd'hui, amis lecteurs, je vous encourage fortement à vous pencher sur le précieux petit essai de Christian Salmon intitulé Verbicide.

Paru d'abord aux éditions Climats (toujours incontournables) en 2002 puis, de façon plus surprenante, réédité et réactualisé par Actes Sud (les éditeurs seraient-ils mieux inspirés dans le Sud?) dans sa collection de poche Babel en avril dernier, cet ouvrage vite avalé pourra vous fournir (chose rare et précieuse) d'intéressantes pistes de réflexions sur la dangereuse dériliction du langage ainsi que l'appauvrissement et la pollution du régime fictionnel dans notre société "communicationnelle". En honnête disciple de Walter Benjamin, Hannah Arendt et Jean Baudrillard, Salmon porte un éclairage digne d'intérêt sur les récentes dérives post-11 septembre du monde occidental. Mais un court extrait valant bien mieux qu'un long discours lénifiant, je laisse parler l'auteur :

"Tout ce qui était non marchand et relevait de la vie privée est devenu marchandise... A la bourse de l'intime, on recycle tout : les fugues d'enfant, la sexualité des obèses, le syndrome des otages, le sevrage des tabagiques, le clonage des coléoptères, l'abus des aérosols... La Télévision a réponse à Tout. Pour toute demande. On peut s'adresser à ses Voyantes Maison. Ses Psychologues attitrés. Ses Intellectuels Engagés.

Au moment de l'affaire Dreyfus et du J'accuse de Zola, la presse écrite avait permis l'essor de l'Intelligentsia. Aujourd'hui la télévision a promu une nouvelle classe d'intellectuels : composée d'animateurs-producteurs, de journalistes, d'écrivains publicistes, d'experts en tout genre (médicaux, militaires, économistes, psychologues...). J'ai proposé de baptiser ces nouveaux intellectuels, que Marx qualifiait déjà de faiseurs de nuages, non plus l'Intelligentsia, mais l'Illusentsia.

Son rôle n'est évidemment plus d'analyser ou d'éclairer l'expérience qu'on s'emploie par ailleurs à faire disparaître mais d'occuper l'espace symbolique ainsi laissé vacant. Ce sont les mutants du mutisme! D'où un affairement de tous les instants peu propice au travail intellectuel mais conforme au bourdonnement incessant que produit l'univers des affaires et de la politique. C'est à l'affairement que l'on reconnaît les conseillers du prince ou les commis voyageurs.
(...)
Télé-intellectuels. Télé-engagés dans la télé-réalité. Ils sont les agents de surface du système médiatique."

Saurait-on mieux dire?

6.21.2007

Cannes, festival du sparadrap (où l'auteur tire sans doute des conclusions hâtives)

J'habite Cannes, la plus célèbre - hélas! - petite cité de pêcheurs de l'univers répertorié. Un endroit du globe où le recours salutaire aux forêts est une nécessité absolue en période de festival. Et Dieu sait que pour une ville d'à peine 70 000 âmes (en comptant les damnées), on a un lot plus que roboratif de festivals! Ces jours-ci, c'est le FIP, festival international de la publicité, qui fait déferler sur nos pavés tranquilles une nuée internationale de publicitaires, journalistes et autres parasites jet-setteurs. Mais pourquoi diable vous parlé-je de cette anecdotique sauterie pour yuppies?

Eh bien ce midi, alors que je sortais à peine de mon lieu de travail pour aller me sustenter, je me retrouvai à la caisse du Monoprix local, mon soda à 90 centimes à la main, juste derrière un grand con d'Américain bon teint, 30 à 35 ans, son kit piéton high tech directement greffé à l'oreille, et affublé de son inévitable accréditation festivalière pendouillant au bout d'un cordon bleu sur ses pectoraux surdéveloppés. Profitant des quelques secondes d'attente obligatoire m'étant allouées avant que je puisse sortir sous le lourd soleil de ce premier jour d'été déguster ma boisson fraîche, je zieutais, de façon totalement anodine, l'ensemble des articles de ce cuistre que la caissière, avec l'ineffable lassitude qui caractérise ce métier, passait à son scanner (beep!), lorsqu'un détail incongru attira mon attention : voilà un homme seul qui, entre autres choses, achetait cinq ou six paires de bas noirs d'une célèbre marque. Cinq ou six paires. Ce n'était pas comme si sa compagne avait eu urgemment besoin qu'il lui en achète une, pour dépanner, à la veille de la clôture des festivités... Laquelle compagne, de toute façon, devait être gentiment restée au bercail à New-York, Springfield, Houston, ou Trifouillis-the-gooses.

Légèrement amusé, je fis par curiosité le détail de ses courses : de nombreuses paires de bas, donc, mais aussi :

- Une grosse paire de ciseaux (pourquoi pas)
- Un petit couteau de cuisine (?)
- Un rouleau de sparadrap blanc (ok)
- Deux rouleaux de large ruban adhésif noir (?!)
- Trois petits pots de glace Ben & Jerry (nostalgie du Homeland, I guess)

Le tout pour un total de 95 euros et des poussières, réglés en MasterCard de luxe. "L'hôtesse de caisse" (haha) enfournait tout ça dans des sacs plastiques sans se presser, mais surtout sans avoir l'air de se rendre compte de la cocasserie de ces achats. J'ai déjà fait ce sale boulot, je sais ce que c'est : on pourrait vous donner à encaisser un phoque mort en nuisette, du moment qu'il y a un code barre à scanner, vous ne calculez plus rien. Dont acte. Pour ma part, je ne pouvais réprimer un petit sourire moqueur. La pensée qui provoqua en moi une si soudaine jovialité? "Je crois que notre amateur de bondage s'est trouvé une partenaire de jeu pour la soirée!" Traitez-moi de paranoïaque ou d'esprit mal tourné si ça vous chante, mais c'est aussi ça, Cannes.


Have a nice evening, buddy!

6.20.2007

Le Revenant (où l'auteur, comme tout blogueur moyen, fait l'intéressant en plaçant son Baudelaire)

Ce n'est PAS parce qu'il est enseigné dans toutes les écoles, appris par coeur (mais pas forcément de gaité de coeur) par tous les élèves de France qui l'annonent sans grâce les yeux baissés ("Sous vent pour s'a-muser, des hommeuhs des quipages..."), porté malgré lui au pinacle par des analphabètes romantico-miévreux qu'il eut sans doute conchié avec la dernière énergie et recopié béatement sur d'innombrables blogs d'adolescentes gothiques en mal d'inspiration et bouffies d'adoration gluante qu'il nous faut pour autant, nom d'un petit bonhomme, se priver de Baudelaire!

Ainsi, puisqu'il serait idiot de bouder un plaisir exquis sous prétexte que d'autres bâfrent sans finesse le même mets délicat, je me propose, toute honte bue, d'offrir à votre regard, cher lecteur que je sais de bonne compagnie, l'une de mes fleurs préférées, de la famille des sonnets :


Comme les anges à l'oeil fauve,
Je reviendrai dans ton alcôve
Et vers toi glisserai sans bruit
Avec les ombres de la nuit;

Et je te donnerai, ma brune,
Des baisers froids comme la lune
Et des caresses de serpent
Autour d'une fosse rampant.

Quand viendra le matin livide,
Tu trouveras ma place vide,
Où jusqu'au soir il fera froid.

Comme d'autres par la tendresse,
Sur ta vie et sur ta jeunesse,
Moi, je veux régner par l'effroi.

L'envers du mysticisme (où l'auteur se penche avec tendresse sur les enfants de Nihil)

Les plus farouches nihilistes sont des mystiques qui s'ignorent, des théologiens ratés. Faute d'avoir pu féconder leur propre système de pensée ou trouver le dogme et "l'arrière-monde" (terme péjoratif mais parlant) qui eussent pu leur convenir, ils préfèrent rabattre leur insatiable soif d'absolu vers le plancher des vaches et l'abîmer dans une rage inextingible contre ce monde-ci, sans doute jugé responsable de leur faillite spirituelle. Drame de l'intimité (voire de l'inconscient) qui peut très vite tourner à la tragédie explosive!

D'où l'on tirera trois conclusions :

- Le nihiliste est un être mystique qu'on aurait retourné comme un gant.
- On n'encourage sans doute pas assez les vocations spirituelles à notre époque, ce qui pourrait nous éviter bien des désagréments.
- Fort de ces informations, nous dirons donc que le nihiliste est une créature profondément triste à l'égard de laquelle notre compassion doit pouvoir généreusement s'exercer en toute occasion. Amen.

Mise au point (où l'auteur règle officiellement une embarrassante question)

Cher lecteur oisif, si tu n'as rien de mieux à faire que te demander d'où m'est venue l'idée saugrenue de choisir, pour cacher mon identité civile, un pseudonyme aussi ridicule que celui que j'arbore, je te le dis tout net, mais sans méchanceté aucune : ta vie sent le moisi.

Néanmoins, pour les quelques éventuels chômeurs en fin de droit psychotiques et trop curieux que la question turlupinerait les soirs d'insomnie, haut les coeurs! Votre angoisse prend fin, amis désoeuvrés, le mystère se lève! Hourrah!
(Applaudissements)

Eh non, je n'ai pas choisi mon identité internautique en référence à ça :

(encore que ce soit l'une de mes oeuvres préférées de Rembrandt)

Ni même à ça :

(bien que ce film se laisse agréablement regarder)

Pas même à ça :

(et pourtant, Dieu sait que j'aime Terry Pratchett!)

Encore moins à ça :

(je n'ai pas vu ce film fantastique russe)


Ou ça :

(je n'ai jamais lu une seule ligne de Sarah Waters)

Et ne parlons même pas de ça :

(un vieux comics de 1991)

Non, bonnes gens, rien de tout ceci n'a joué en faveur de l'adoption de cet alias aussi abscons qu'anglo-saxon! Si j'ai pris ce pseudo dont je ne serais plus foutu désormais de me défaire, c'est définitivement grâce à ça :
(Roulements de tambour)

The Night Watch de King Crimson, immense formation de rock progressif. Mais dans la mesure où King Crimson reste un groupe somme toute peu reconnu et qu'il s'agit d'un morceau de l'album Starless and Bible Black datant de 1974, vous pensez bien qu'il n'a pas de clip... Cependant, un gentil graphiste italien a pris la peine d'illustrer par son imagination cette belle ballade! Je vous fais donc partager ce déroutant hommage. Faites abstraction des images, et laissez le touché de guitare incomparable de Robert Fripp vous ravir.




Si par cet insignifiant billet, une personne au moins peut découvrir et apprécier la musique de ce groupe magnifique, alors je n'aurai pas perdu ma journée!

6.19.2007

Pense-bête (où l'auteur fatigué prend son blog pour un post-it)

Se méfier du mystère comme de la peste. Telle doit être la règle d'or des esprits trop imaginatifs de mon espèce. Celui qui ne la suit pas se perd! Ou du moins dérègle durablement sa boussole : cessation de polarité. Ne reste plus pour la victime du sortilège qu'un grand espace vide, et ce voile agité derrière lequel une lueur semble l'appeler... Ne bouge pas, malheureux! Ce n'est pas nécessairement le nouveau Nord.

Ma cervelle, dans ce genre de circonstances, bat trop facilement la campagne. Elle s'engouffre volontiers dans la moindre faille, le plus petit espace obscur pour y vivre à son aise, blottie dans ce nouveau monde douillet taillé à sa mesure. Mais non, reste là, fichue caboche! Au pied!

6.16.2007

Le combat du porteur de plume (où l'auteur confesse espoirs et faiblesses)

Hélas, je me retrouve trait pour trait dans ce passage désespérément lucide du Pro Domo de Cendrars à son Moravagine :

"(...) Tout me paraît facile.
Mais voilà.
Je dois surmonter la paresse qui est le fond de mon tempérament, l'indolence de mon caractère, cette tendance satanique à l'autocontradiction qui intervient toujours et me fait rater des tas de choses, qui me dédouble et me fait me moquer de moi-même à chaque occasion et à tout propos, qui me fourre dans de drôles de situation. Je dois aussi vaincre la peur, cet état de transe qui m'envahit et me paralyse à la veille de commencer un travail littéraire de longue haleine et qui va m'enfermer entre quatre murs, travaux forcés, vie de bagne durant de longs mois alors que les trains roulent, que les bateaux vont et viennent, et que je ne suis pas à bord, et que des hommes et des femmes se réveillent, et que je ne pourrais être là pour leur dire bonjour! Il faut vraiment avoir une réserve énorme de bonheur emmagasiné pour se mettre délibérément dans cette situation d'outlaw qui est celle de l'homme de lettres dans la société contemporaine, de bonheur, de calme, de santé, d'équilibre dans le caractère, de disponibilité et de bonne volonté." (31 juillet 1917)

A rapprocher aussi des réflexions désabusées qui ouvrent les magnifiques Grands cimetières sous la lune de Bernanos : "Le démon de mon coeur s'appelle - A quoi bon?". Démon si puissant qu'il paralysa la plume de ce grand catholique jusqu'à ses quarante ans... Ce démon, si je le connais!

Mais que dirait Cendrars s'il vivait à notre époque! Les artistes, ou du moins - ce terme étant désormais si galvaudé et gonflé de ronflante vanité - les hommes qui professent certaines velléités créatrices, de nos jours, ont la tâche encore plus ardue! Notre génération vit au coeur d'une telle société de l'avachissement, de l'abandon, qu'il lui faut parvenir, afin de pouvoir penser justement, vivre correctement et travailler sérieusement, avec une hygiène régulière, à redoubler d'efforts, se plier à une ascèse quasi-monacale et une rigueur d'autant plus implacable qu'elle jure dans le climat ambiant et qu'elle sera attaquée de toutes parts, pour cette raison même, par l'assourdissant et omniprésent bruit blanc de l'entertainment, du diabolique "titty-tainment".

Tel Saint-Antoine, l'artiste retiré en lui-même et en son oeuvre, installé dans une durée véritable et une passion languissante, subira sans cesse les assauts répétés de l'Ennemi, sera perpétuellement tenté par les démons de la modernité quî prêchent à grands cris, dans "le désert du réel", la consomption instantanée de tous les produits de l'univers étiquettable et l'assouvissement immédiat de toutes les entêtantes pulsions du désir commandé... Il doit alors impérativement se construire un fort mental, un for(t) intérieur digne de Vauban!

Saint-Antoine vu par Félicien Rops


J'imagine que c'est ce tiraillement même dont souffrirent, parmi d'autres, Sénèque et Pétrone dans la Rome des cataclysmes et des catacombes. Comme je les comprends! Car dans cette lutte infinie de l'individu contre la facilité et donc contre lui-même, dans ce dilemne permanent, je dois admettre que je ne suis pas en mesure de remporter de victoire satisfaisante : je ne peux encore résister aux tentations divertissantes et souvent stupides que m'offre mon monde. Je suis déchiré, Janus constant, un pied dans ma thébaïde intime, l'autre encore englué dans le gouffre insondable de la grande rave globale. Grand écart de conduite!

Et sans l'aide salutaire d'un surcroît de volonté ou d'une personne, terrestre ou céleste, qui sait si je pourrai jamais m'en sortir? Quoi qu'il en soit de mon sort, somme toute anecdotique, je parierais volontiers que ceux de ma génération seront peu nombreux à pouvoir passer ce cap difficile et tempêtueux pourtant nécessaire à la réalisation de l'être, à échapper aux mailles de ce grand filet nihiliste qui ne fait pas de quartier, à réchapper indemne de cet énorme et cruel holocauste d'âmes qu'accomplit chaque jour le règne de Mammon...

6.15.2007

Join the Klub! (où l'auteur tient une preuve qu'il y a encore plus geignard que lui)

Il y a les losers magnifiques, et puis il y a les autres... Pour les hypothétiques visiteurs de ces cahiers qui ne le connaîtraient pas encore, voilà donc une perfomance du seul et unique membre du Klub des loosers (sic), le MC masqué, binoclard, falot et sans flow plus connu sous le nom de Fuzati. Personnage ridicule mais fascinant, pionnier d'un hip hop hype versaillais pour petits bourgeois, mais hip hop nonetheless. Cher lecteur, oui toi, qui comme tout un chacun porte au fond de ton être, bien que tu t'en défendes, la fibre indestructible du perdant, sois le bienvenu au Klub!



Ma générosité n'ayant pas de borne, voilà un peu de rab' en audio pour ceusses qui voudraient parfaire leur apprentissage accéléré de la lose.

Pas stable :



Dead Hip Hop :

6.14.2007

Coup double (où l'auteur n'en finit plus de s'émerveiller)


Décidément, c'est la saison des miracles éditoriaux, puisque deux mythiques pavés tombés en silence dans les terrifiantes oubliettes des "ouvrages épuisés" viennent d'en ressortir! Belle résurgence : c'est la nuit des morts-vivants sur les étals! Même si, évidemment, dans un des deux cas, l'oubli de réimpression était on ne peut plus volontaire...

Oui, parce que bon, Lucien Rebatet n'est pas vraiment un auteur facile à vendre. N'est pas Beigbeder qui veut! Rebatet n'est pas djeunz, Rebatet n'est pas cool, Rebatet n'est pas frais, puisqu'il est mort il y a déjà belle lurette, laissant derrière lui pas mal d'ouvrages estimés certes, mais surtout, principalement même, une odeur de soufre méphitique absolument insupportable aux petits mufles contemporains. Et puis une fragrance de ce genre, vous pouvez bien essayer Air Wick, Brise Touche Fraîche ou toute une "canisse" d'Odor Destroyer, rien n'y fera! Quand on a collaboré dans la joie et l'allégresse avec l'occupant allemand et signé Les Décombres, Mémoires d'un fasciste, on schlingue un petit bout de temps, mais ce n'est pas vraiment une odeur de sainteté! Alors oui, même le plus fameux roman du sieur Lulu, Les deux étendards, n'était plus réédité depuis 1971. Voilà qu'une injustice est réparée depuis quelques semaines, Gallimard ayant ressorti de ses cartons aux douteux remugles ledit roman. Seulement voilà, comme toute bonne volonté a ses limites, l'éditeur nous sort ce pavé en un seul volume de 1200 pages, refourguées au modeste tarif de... 50€! Si ça ce n'est pas une mesure prophylactique visant à isoler cette vénéneuse lecture de la plèbe (infiniment influençable, comme on sait) par un opportun cordon sanito-pécuniaire, je ne sais pas ce que c'est! Saluons tout de même ce courageux exploit, en espérant que l'honorable maison ne s'arrête pas en si bon chemin : il reste toujours Les Décombres à ressusciter! Allez, Antoine, encore un effort pour être anti-républicain!

L'autre cas observé de résurrection éditoriale, s'il n'est pas aussi surprenant, n'en reste pas moins épatant : Le Seuil a décidé de réimprimer l'oeuvre "culte" de Thomas Pynchon, pape invisible de la "nouvelle fiction" américaine, L'arc-en-ciel de la gravité. Ce roman-là était également indisponible depuis une bonne dizaine d'années. Là encore, le cadeau se paie : 30€, mais si l'oeuvre est à la hauteur de sa folle réputation, ça les vaut bien... Car bien sûr, pour être tout à fait franc, il va de soi que ces deux sommes étant épuisées depuis des lustres, je n'ai lu ni l'une ni l'autre. Mais leur aura les précède, et nombre d'amateurs aux goûts sûrs les recommandant avec force, il serait malvenu de ma part de ne pas saluer leur retour en librairie et de ne pas t'enjoindre, comme je vais le faire, cher lecteur, à mettre la main à la poche pour en faire l'acquisition. Parce que bon, comme toute industrie, celle du livre n'est attentive qu'au porte-feuille. Il y a donc fort à parier que si ces deux ouvrages se vendent suffisamment bien, nous ayons droit prochainement à d'autres prodiges éditoriaux. Je vous le disais bien: les miracles ne cessent jamais!

6.13.2007

Paradoxes sur pattes (où l'auteur, que certains membres de la gente féminine inspirent, suppute à tout va)

A voir certains êtres, prompts à mentir plus facilement encore qu'ils ne respirent, on en vient à se demander si leur sincérité ne réside pas, au fond, dans ce mensonge même, tant les rares confidences murmurées de leur vérité ontologique nous surprennent et les montrent dissemblables à ce qu'ils nous paraissaient avant!

Et de l'écoeurement vint Nihil (où l'auteur, accablé par l'ampleur inédite de la moutonnerie électorale, vomit ses compatriotes)

Un dimanche électoral comme un autre


Qui expliqua mieux que le grand Léon la tentation du nihilisme, laquelle ne peut qu'étreindre tout coeur épris de Justice lorsque triomphe avec le total assentiment de la foule, comme en ces jours obscurs, la plus idiote des tartufferies? Jugez plutôt (pour rendre ta lecture plus agréable - j'allais dire divertissante! - et te permettre de déguster tout ton saoul la prose bloyenne, je t'offre de bon coeur, ami e-lecteur, une mélopée adéquate).



"Tant que ces choses seront vues sous la coupole des impassibles constellations, et racontées avec attendrissement par la gueusaille des journaux, il y aura, - en dépit de tous les bavardages ressassés et de toutes les exhortations salopes, - une gifle absolue sur la face de la Justice, et, - dans les âmes dépossédées de l'espérance d'une vie future, - un besoin toujours grandissant d'écrabouiller le genre humain.
- Ah! Vous enseignez qu'on est sur la terre pour s'amuser. Eh bien! nous allons nous amuser, nous autres, les crevants de faim et les porte-loques. Vous ne regardez jamais ceux qui pleurent et ne pensez qu'à vous divertir. Mais ceux qui pleurent, en vous regardant, depuis des milliers d'années, vont enfin se divertir à leur tour et, - puisque la Justice est décidément absente, - ils vont, du moins, en inaugurer le simulacre, en vous faisant servir à leurs divertissements.

Puisque nous sommes des criminels et des damnés, nous allons nous promouvoir nous-mêmes à la dignité de parfaits démons, pour vous exterminer ineffablement.
Désormais, il n'y aura plus de prières marmonnées au coin des rues, par des grelotteux affamés, sur votre passage. Il n'y aura plus de revendications ni de récriminations amères. C'est fini, tout cela. Nous allons devenir silencieux...
Vous garderez l'argent, le pain, le vin, les arbres et les fleurs. Vous garderez toutes les joies de la vie et l'inaltérable sérénité de vos consciences. Nous ne réclamerons plus rien, nous ne désirerons plus rien de toutes ces choses que nous avons désirées et réclamées en vain, pendant tant de siècles. Notre désespoir complet promulgue, dès maintenant, contre nous-mêmes, la définitive prescription qui vous les adjuge.

L.B., Cerbère du Royaume céleste


Seulement, défiez-vous!... Nous gardons le feu, en vous suppliant de n'être pas trop surpris d'une fricassée prochaine. Vos palais et vos hôtels flamberont très bien quand il nous plaira, car nous avons attentivement écouté les leçons de vos professeurs de chimie et nous avons inventé de petits engins qui vous émerveilleront.
Quant à vos personnes, elles s'arrangeront pour acclimater leur dernier soupir sous la semelle sans talon de nos savates éculées, à quelques centaines de pas de vos intestins fumants; et nous trouverons, peut-être, un assez grand nombre de cochons ou de chiens errants, pour consoler d'un peu d'amour vos chastes compagnes et les vierges très innocentes que vous avez engendrées de vos reins précieux...

Après cela, si l'existence de Dieu n'est pas la parfaite blague que l'exemple de vos vertus nous prédispose à conjecturer, qu'il nous extermine à son tour, qu'il nous damne sans remède, et que tout finisse! L'enfer ne sera pas, sans doute, plus atroce que la vie que vous nous avez faite."
Léon Bloy, Le Désespéré (1886)

En moins de deux mois, la démocratie vient de prouver magistralement et, espérons-le, définitivement sa complète abjection et sa foncière inutilité à servir le peuple. Cette vaste fumisterie politique dont s'enorgueillit benoîtement l'Occident ne peut qu'être au service des plus obséquieux, rusés et retors parmi nos médiocres hommes d'état, comme il fut déjà mille fois prouvé. Grâce soit rendue aux organes de propagande presse, chantres de la bonne parole, le peuple fait où on lui dit de faire, bien dans l'urne, avec des selles à la couleur prédéterminée, choix que chaque électeur, bon bougre, exécute scrupuleusement! Il est grand temps que cesse ce régime de molle tyrannie où le pouvoir est remis à quelqu'un par défaut, faute de mieux! Vite, un dictateur pour ce pays de décérébrés! La démocratie est morte, vive la démocratie!

6.07.2007

Constat (où l'auteur, à qui on ne la fait pas, vous brosse dans le sens du poil)

Oui, ami lecteur, je t'ai compris, et sache que je suis parfaitement d'accord avec toi, je dois bien l'admettre : après une terrible semaine d'amer silence (sans doute la fatigue d'un début juin morose?), ce blog est undoubtedly...



Ca décrasse les tympans, hein? Enfin, entre nous quand même ce NightWatch, quelle feignasse!

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