6.14.2007

Coup double (où l'auteur n'en finit plus de s'émerveiller)


Décidément, c'est la saison des miracles éditoriaux, puisque deux mythiques pavés tombés en silence dans les terrifiantes oubliettes des "ouvrages épuisés" viennent d'en ressortir! Belle résurgence : c'est la nuit des morts-vivants sur les étals! Même si, évidemment, dans un des deux cas, l'oubli de réimpression était on ne peut plus volontaire...

Oui, parce que bon, Lucien Rebatet n'est pas vraiment un auteur facile à vendre. N'est pas Beigbeder qui veut! Rebatet n'est pas djeunz, Rebatet n'est pas cool, Rebatet n'est pas frais, puisqu'il est mort il y a déjà belle lurette, laissant derrière lui pas mal d'ouvrages estimés certes, mais surtout, principalement même, une odeur de soufre méphitique absolument insupportable aux petits mufles contemporains. Et puis une fragrance de ce genre, vous pouvez bien essayer Air Wick, Brise Touche Fraîche ou toute une "canisse" d'Odor Destroyer, rien n'y fera! Quand on a collaboré dans la joie et l'allégresse avec l'occupant allemand et signé Les Décombres, Mémoires d'un fasciste, on schlingue un petit bout de temps, mais ce n'est pas vraiment une odeur de sainteté! Alors oui, même le plus fameux roman du sieur Lulu, Les deux étendards, n'était plus réédité depuis 1971. Voilà qu'une injustice est réparée depuis quelques semaines, Gallimard ayant ressorti de ses cartons aux douteux remugles ledit roman. Seulement voilà, comme toute bonne volonté a ses limites, l'éditeur nous sort ce pavé en un seul volume de 1200 pages, refourguées au modeste tarif de... 50€! Si ça ce n'est pas une mesure prophylactique visant à isoler cette vénéneuse lecture de la plèbe (infiniment influençable, comme on sait) par un opportun cordon sanito-pécuniaire, je ne sais pas ce que c'est! Saluons tout de même ce courageux exploit, en espérant que l'honorable maison ne s'arrête pas en si bon chemin : il reste toujours Les Décombres à ressusciter! Allez, Antoine, encore un effort pour être anti-républicain!

L'autre cas observé de résurrection éditoriale, s'il n'est pas aussi surprenant, n'en reste pas moins épatant : Le Seuil a décidé de réimprimer l'oeuvre "culte" de Thomas Pynchon, pape invisible de la "nouvelle fiction" américaine, L'arc-en-ciel de la gravité. Ce roman-là était également indisponible depuis une bonne dizaine d'années. Là encore, le cadeau se paie : 30€, mais si l'oeuvre est à la hauteur de sa folle réputation, ça les vaut bien... Car bien sûr, pour être tout à fait franc, il va de soi que ces deux sommes étant épuisées depuis des lustres, je n'ai lu ni l'une ni l'autre. Mais leur aura les précède, et nombre d'amateurs aux goûts sûrs les recommandant avec force, il serait malvenu de ma part de ne pas saluer leur retour en librairie et de ne pas t'enjoindre, comme je vais le faire, cher lecteur, à mettre la main à la poche pour en faire l'acquisition. Parce que bon, comme toute industrie, celle du livre n'est attentive qu'au porte-feuille. Il y a donc fort à parier que si ces deux ouvrages se vendent suffisamment bien, nous ayons droit prochainement à d'autres prodiges éditoriaux. Je vous le disais bien: les miracles ne cessent jamais!

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