6.22.2007

Pour la survie du Verbe (où l'auteur, une fois de plus, vous guide vers la sagesse)

Aujourd'hui, amis lecteurs, je vous encourage fortement à vous pencher sur le précieux petit essai de Christian Salmon intitulé Verbicide.

Paru d'abord aux éditions Climats (toujours incontournables) en 2002 puis, de façon plus surprenante, réédité et réactualisé par Actes Sud (les éditeurs seraient-ils mieux inspirés dans le Sud?) dans sa collection de poche Babel en avril dernier, cet ouvrage vite avalé pourra vous fournir (chose rare et précieuse) d'intéressantes pistes de réflexions sur la dangereuse dériliction du langage ainsi que l'appauvrissement et la pollution du régime fictionnel dans notre société "communicationnelle". En honnête disciple de Walter Benjamin, Hannah Arendt et Jean Baudrillard, Salmon porte un éclairage digne d'intérêt sur les récentes dérives post-11 septembre du monde occidental. Mais un court extrait valant bien mieux qu'un long discours lénifiant, je laisse parler l'auteur :

"Tout ce qui était non marchand et relevait de la vie privée est devenu marchandise... A la bourse de l'intime, on recycle tout : les fugues d'enfant, la sexualité des obèses, le syndrome des otages, le sevrage des tabagiques, le clonage des coléoptères, l'abus des aérosols... La Télévision a réponse à Tout. Pour toute demande. On peut s'adresser à ses Voyantes Maison. Ses Psychologues attitrés. Ses Intellectuels Engagés.

Au moment de l'affaire Dreyfus et du J'accuse de Zola, la presse écrite avait permis l'essor de l'Intelligentsia. Aujourd'hui la télévision a promu une nouvelle classe d'intellectuels : composée d'animateurs-producteurs, de journalistes, d'écrivains publicistes, d'experts en tout genre (médicaux, militaires, économistes, psychologues...). J'ai proposé de baptiser ces nouveaux intellectuels, que Marx qualifiait déjà de faiseurs de nuages, non plus l'Intelligentsia, mais l'Illusentsia.

Son rôle n'est évidemment plus d'analyser ou d'éclairer l'expérience qu'on s'emploie par ailleurs à faire disparaître mais d'occuper l'espace symbolique ainsi laissé vacant. Ce sont les mutants du mutisme! D'où un affairement de tous les instants peu propice au travail intellectuel mais conforme au bourdonnement incessant que produit l'univers des affaires et de la politique. C'est à l'affairement que l'on reconnaît les conseillers du prince ou les commis voyageurs.
(...)
Télé-intellectuels. Télé-engagés dans la télé-réalité. Ils sont les agents de surface du système médiatique."

Saurait-on mieux dire?

4 commentaires:

Anonyme a dit…

La "société du 11 Septembre 2001" est en carence de référents symboliques. Soit. Le commerce en général tente de pallier à cette carence-là, qui est en quelque sorte le nerf du désir ; le désir : énergie motrice de la société libérale.
Que nous reste-t-il à part cracher dans la soupe (soupe qu'il nous faudra manger quoi qu'il en soit, et quelque humiliation que cela représente à terme)?

Il nous reste à féconder cet oeuf de pierre qu'est le monde libéral ; société qui après tout ne fait que revendiquer la loi naturelle.
Nous humains qui vivons, pensons, à nous de reconstruire le tissu symbolique nécessaire à l'épanouissement de la psyché humaine. Car notre société, seule, à se phagocyter, ne produit rien que de pâles divertissements à demi ennuyeux.
Aux homme d'imagination de remédier à l'ennui occidental.
A nous de vendre une spiritualité complète, essentielle, à notre société de l'ersatz.
L'avenir (comme le passé) est aux chevaux de Troie.

TheNightWatch a dit…

Je ne sais pas si on peut qualifier le système libéral de loi naturelle. Ca se discute, mais j'ai quand même fortement l'impression que c'est tout le contraire : une tricherie vis-à-vis de la Loi. Je dirais même que c'est sur la base de cette intuition que s'appuyent les différentes formes de frustation légitime ressenties par tout un chacun aux quatre coins du globe.

Pour ce qui est des chevaux de Troie : beau programme, auquel j'adhère pleinement. Il n'y a que par la malice qu'on peut espérer vaincre le Malin.

Anonyme a dit…

La frustration légitime : c'est ça la loi naturelle. A ne pas confondre avec la Loi des hommes telle qu'elle existe dans les traités, le Bill of Rights, ou encore la Déclaration des Droits de l'Homme. La Loi des hommes impose des frustrations que l'on peut contourner ; ce n'est pas le cas de la "nature". Elle n'est pas coercitive, c'est le fait accompli.

C'est la raison pour laquelle elle est ressentie comme une injustice suprême, et qu'on peut l'identifier aux desseins d'un Dieu archaïque.
Or la société moderne n'a plus de Dieu. C'est bien dommage pour elle. ^^

Il Sorpasso a dit…

Ce livre n'est pas terrible.
Du sous-Muray, que l'auteur a probablement lu mais ne cite jamais; Mic-mac de thèses (intéressantes) d'auteurs américains. Pas de structure d'analyse, pas de grille. L'auteur est un lâche, quand il parle de la censure il cite...JM le pen qui a fait condamner un auteur (pour diffamation) en précisant bien auparavant que ledit LP était antisémite et avait été condamné....
1-considérer le Fn comme l'organe de censure actuel c'est comique
2- se plaint que l'individu ait recours à la justice pour une "opinion" alors que l'auteur se félicite sans risque que le borgne ait été lui-même condamné en préambule.

pour continuer sur l'absence de référence appuyées à Lasch ou Muray qui ont pourtant fait le boulot, l'auteur précise "il faudrait s'atteler à chercher les causes de tout cela" (cit. de mémoire), quelle hypocrisie ! En effet l'auteur manque de couilles, car analyser les causes, là c'est s'exposer, pas analyser une énième fois "loft story" ou le management us sur le storytelling, parce que retourner aux causes, c'est reconsidérer la république démocratique, les chutes de : Dieu, du patriarcat, de la différenciation homme femme, adultes-enfants, de la relativité du socialisme (la gauche sans le peuple), etc...

Pour le coup, là, on s'expose.
C'est autre chose que d'analyser le "storytelling" (qui est amusant également car l'auteur applique son sujet (le "storytelling" : raconter une histoire, une vision, une anecdote, pour séduire l’auditoire plutôt que s'engager à analyser et prendre des décisions
sur des bases rationnelles) à son propre livre (parle du storytelling (une partie "compréhensible" "imagée" "une thèse en soi") plutôt que de l'ensemble fonctionnel de la société, ce qui est une tâche d'une autre ampleur).

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